23 octobre 2025
ITINÉRAIRE D’UN ARPÈTE ORDINAIRE
Je suis Alsacien, plus précisément Mulhousien. À l’école des frères, j’étais un élève de niveau passable (passable : Qui passe au niveau supérieur à coups de pompes dans le derrière). Le concours de Saintes, je l’ai passé suite à un article paru dans la presse locale que mon père a découpé pour me le faire lire et également me demander mon avis sur le sujet. À cette époque pour moi, l’Armée de l’Air se résume aux Chevaliers du ciel et à 14 ans et demi en 1971, je m’y vois déjà. Me voilà inscrit au concours que je passe sur la BA 124 de Strasbourg. Me voyant débordant de motivation, ma mère s’inquiète de voir partir son fils unique et elle va se renseigner auprès des professeurs sur mes chances de réussite.
Elle est vite rassurée car vu le niveau du concours, son fils sur ce coup, ne passera pas. Et bien si ! Le 13 septembre 1971, nous arrivons en gare de Saintes. Mes parents m’accompagnent dans ce périple ferroviaire car quitter l’Alsace pour aller à l’intérieur ça se fait en famille.
Nous n’avions pas de voiture, nous allions à bicyclette…de bon matin. Le 14 septembre 1971, l’autocar S45 Saviem vient nous chercher en gare pour nous déposer à Paban à l’EETAA sur la BA722. Ainsi commence ma vie militaire avec la P68 en classe 8 chambre 34. Oui je sais !
Nul n’est parfait.
Je vous fais grâce de l’incorporation que vous avez tous vécue ou subie (coiffeur, treillis, fierté et/ou surprise des parents à la sortie du magasin d’habillement…). Pour ma part, j’arrive avec une coupe règlementaire, consigne du paternel…Donc pas de traumatisme à ce niveau à ma sortie du salon de tonte.
Globalement le séjour à Saintes se déroule bien, étant adepte des colonies de vacances des PTT (merci papa, merci maman) je n’ai pas de souci d’intégration dans le collectif des ET. Coté études, là je me désintègre à la fin du 2ème cycle et c’est ainsi que je fais mon entrée dans la P69 toujours classe 8 mais chambre 33. Je passe du T5 au T6 donc je progresse en quelque sorte. Notre éducateur est Franck Blindron, un brave homme qui faisait équipe avec le Sgt Vinet et Ivan le Terrible, j’ai nommé le Sgc Ivan Jardel.
Les deux années s’écoulent sans souci en ce qui me concerne, je boucle le 6ème cycle en fait le 7ème dans les 30 derniers de la promotion. Je choisis la spécialité de Mécanicien d’environnement appelée aussi Servitudes ou Méca-auto… alors qu’il reste des places en Cellule Hydraulique Avion ! Pourquoi ce choix ? Je ne me l’explique pas, Je n’avais jamais ouvert le capot d’une voiture et mes parents n’avaient pas de voiture. Nous allions à bicyclette…de bon matin.
L’année 1974 se passe à Rochefort BA 721 où j’ai écopé de quelques week-ends de TIC et j’ai en mémoire quelques débouchages de WC à la turque ainsi que quelques détartrages d’urinoirs à la lame de rasoir ! Pas de canard WC à l’époque ! Un ESO qui s’est fait gauler pendant la semaine fera bien l’affaire !
En décembre 1974, direction la Bourgogne, ses grands crus, sa moutarde et sa base aérienne la BA 102 de Dijon, le berceau de la chasse. Tanguy et Laverdure me voilà ! Je suis affecté aux MGX Garage, je suis le plus jeune de l’équipe. Je suis parrainé comme il se doit de jour comme de nuit. Je vis sur la base dans les logements cadres. La base est toute proche de la ville. Dijon est une belle ville étudiante et les soirées sont très animées. Avec mon ami Pascal Allard qui est arrivé peu de temps après moi, nous avons passé des belles années à Dijon. D’autres P69 étaient également présents à Dijon, je pense à Métais, Galy, Péduzzi, Lafoucrière, Gavaldon, et plus tard est arrivé Lanni et puis Appert-Raulin me semble-t-il.
Je passe tous mes permis de conduire dans les 6 mois. Je suis à un poste multi tâches. Je révise, je dépanne, je transporte le personnel et le matériel, j’enseigne à l’occasion la conduite aux élèves de l’auto-école.
Les années passent, je suis nommé SGC au 1er avril 1980 et en décembre de la même année, je suis affecté à la BA188 de Djibouti à l’escale aérienne. Je rejoins Pascal Allard qui m’a devancé de quelques semaines. J’effectue un séjour de 18 mois très dense en activités telles que le tennis, le parachutisme, la course à pied, la planche à voile.
Adhérents au Centre culturel français – section moto, nous enfourchons nos bolides des 250XT Yamaha, pour nous attaquer aux pistes locales. Les animateurs du centre culturel me proposent de rejoindre la section théâtre pour présenter la pièce Volpone de Jules Romain. Un travail de 6 mois qui nous permet de donner cette pièce au Théâtre National de Djibouti et puis à l’Alliance Française à Addis-Abeba. Ma carrière internationale est lancée !
En juin 1982, je suis de retour à Dijon, affecté à l’Escadron Régional de Transport Automobile (ERTA). Nos missions sont réalisées au profit de la FATAC 1ère RA qui nous ordonne les transports de matériels à effectuer dans la cadre d’exercices de l’OTAN, des campagnes de tir des escadrons de la FATAC, des transports exceptionnels, des transports vers ou depuis les industriels. Nous transportons la musique de la FATAC dans tous ses déplacements de cérémonies et de concerts.
En mai 1984, je pars en Opex au Tchad comme mécanicien sur groupes électrogènes avec le GTT de Metz qui assure la défense aérienne avec des moyens mobiles. Après un séjour à Ndjamena, je me porte volontaire pour rejoindre les sites de Moussoro et d’Ati… perdus dans le désert avec quelques camarades contrôleurs aériens et un détachement de l’infanterie de marine parachutiste à qui je délivre également de l’électricité.
En juillet 1987, je suis affecté au DA 165 à Dakar avec le grade d’adjudant comme chef des ateliers au Germac pour un séjour de 2 ans avec famille. Mon épouse me rejoint 3 mois plus tard après la naissance de notre fille. Son frère, pilote, chez Air France, assure le transport de sa sœur, de sa nièce et de leurs 11 bagages. Un séjour avec des activités professionnelles denses et des loisirs multiples au cours duquel nous avons bien sillonné le Sénégal. J’y passe ma S3 et je m’inscris à la préparation du concours ORSA.
En juillet 1989, c’est le retour en Alsace, à la grande satisfaction de mes parents, je suis affecté à la BA132 de Colmar à l’escadron 3/13 Auvergne. Et bien non ! Je suis reçu au concours ORSA que j’ai tenté au cours de mon congé de fin de campagne.
En février 1990, direction la BA105 Evreux à l’école de formation des officiers où je retrouve Michel Boiteux comme camarade de promotion et puis poursuite de la formation à Rochefort.
En juillet 1990, l’aspirant Gasser se présente à la BA 272 de ST-Cyr-l’Ecole affecté au SMT00/611 (Service des Matériels en Transit) Was ist das ? Quésaco ?
C’est une plateforme logistique d’où entrent et sortent les matériels neufs ou réparés par les industriels en région parisienne. Nous disposons d’un parc de véhicules de messagerie ainsi que des moyens de transport lourds qui desservent les bases aériennes. Le site est également connecté au réseau ferroviaire. Nous assurons également les achats d’outillage et des pièces automobiles au profit des bases aériennes en Outremer.
En octobre 1992, fermeture de la base de St-Cyr et nous déménageons à la BA 110 de Creil.
En juillet 1994, après une première annonce de mutation pour Limoges, direction Tours/Cinq Mars la Pile au Groupe des Ateliers Techniques de l’Entrepôt 609. L’entrepôt est un ouvrage enterré en galeries de 20 kilomètres environ. On y entrepose des matériels électroniques sol et bord, les armements de petit calibre jusqu’à 30mm, les pneumatiques des aéronefs en service dans l’Armée de l’Air soit 42000 références.
Mon unité est chargée de la maintenance des installations électriques et de climatisation, des engins de levage et de traction ainsi que de l’entretien du stock en approvisionnement.
En mars 1996, je pars en Opex au sein de la Mission des Nations Unies pour Référendum au Sahara Occidental (MINURSO). Après une formation à l’Ecole Militaire à Paris et à l’Ecole Interarmées du Renseignement et des Etudes Linguistiques à Strasbourg, je pars avec le contingent français soit 19 officiers (13 Terre, 4 Air, 2 Marine) pour le Sahara Occidental. Je suis affecté au Teamsite de Mehaires à la frontière Mauritanienne, coté Front Polisario. C’est le désert à des kilomètres à la ronde !
Nous vivons en une communauté de 13 militaires de toutes nationalités (Russe, Chinois, Américain, Péruvien, Salvadoriens, Hondurien, Pakistanais, Kényan, Egyptien, Français…). Nous effectuons des patrouilles de surveillance et de contrôle du cessez-le-feu entre les 2 belligérants ; le Maroc et les Sahraouis du Front Polisario. Nous sommes équipés de véhicules Nissan Patrol pour effectuer nos patrouilles terrestres, les patrouilles aériennes se font en hélicoptère MI 8. Notre ravitaillement est assuré par avion Antonov 26 ou par hélicoptère. Le carburant est livré en citerne. Outre notre travail d’observateur ou de chef de patrouille, chacun a des fonctions complémentaires telles Opérations, Administration, Logistique/Appro, Sécurité incendie, Génération électrique, Véhicules…) Pour ma part, je veille au bon fonctionnement des véhicules et des groupes électrogènes. Une belle expérience internationale et multiculturelle de 6 mois dont je garde un excellent souvenir. Retour à Tours.
En juillet 1997, avec les mutations et les départs avec pécule, je demeure le seul officier en place et sur proposition du Directeur Central, je suis affecté comme commandant du Groupe Entrepôt des Matériels en Approvisionnement.
En novembre 1999, je suis désigné pour une Opex à Sarajevo au poste de chef des services techniques du Détair. Avec mon équipe de mécaniciens, nous assurons la maintenance des véhicules, le ravitaillement technique, l’entretien de l’infrastructure et la production électrique du détachement. Nous avons vécu un hiver très rude avec des températures allant jusqu’à – 25 degrés et des chutes de neige de plus d’un mètre. Les conditions de travail furent difficiles mais la cohésion et l’entraide ont permis de surmonter ces difficultés.
Mars 2000 – retour à Tours.
En juillet 2000, je suis affecté à Tours au poste de commandant de l’Escadron de Soutien Technique des Matériels Communs.
En mars 2001, je repars pour Sarajevo, toujours comme Chef des Services Techniques, mêmes missions avec une nouvelle équipe. Parmi elle, je retrouve avec plaisir Robert Texier. Nous avons réalisé du bon travail avec ce groupe dynamique et efficace.
Juillet 2001 – Retour à Tours.
En 2002, je totalise 8 années de présence dans la garnison de Tours et la mutation se profile. Ma famille et moi sommes bien intégrés dans cette Touraine où il fait bon vivre. Mon épouse a un emploi stable et nos enfants de 15 et 12 ans y ont également leurs attaches. Je dépose ma demande de mise à la retraite qui est acceptée et je suis maintenu à mon poste jusqu’en juillet 2003.
En octobre 2003, je débute ma période de reconversion de 6 mois et je suis rayé des cadres le 31 mars 2004. Je quitte l’Armée de l’Air dans ma 33ème année de service au grade de capitaine avec 43 annuités, j’ai 47 ans et je ne regrette rien.
En janvier 2004, pendant ma période de reconversion, je rejoins un cabinet immobilier indépendant à Tours comme gestionnaire de copropriétés. À ma grande surprise, mes collègues sont tous d’anciens militaires en majorité de l’Armée de l’Air.
L’intégration est très facile mais le travail l’est beaucoup moins. L’administratif, la comptabilité, les travaux, les actions en justice, la relation avec les copropriétaires et les entreprises sont mon quotidien pendant plus de 6 ans. Quand tu as un statut de cadre, tu ne comptes pas tes heures, le standard c’est 55 à 60 heures/semaine. Le cabinet jouit d’une bonne notoriété et a pris un bel essor ; la rigueur militaire n’y est pas étrangère. Je pressens une vente prochaine du cabinet à un grand groupe. Aussi en 2010, je négocie mon départ. Le 30 juin 2010, ma vie professionnelle prend fin. Le cabinet sera vendu à FONCIA en 2011.
J’ai 54 ans et mon agenda est chargé. Je voyage et je visite l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe, les Iles du Cap Vert, le Sri Lanka, les Antilles, l’Equateur, Cuba, la Thaïlande, l’Inde, le Costa Rica, La Réunion. En 2019, je pars avec 5 camarades au Vietnam pour un périple à moto dans le Tonkin ; nous faisons de belles rencontres dans les villages où nous séjournons.
Je suis cavalier et je randonne à cheval à travers la France, l’Espagne et d’autres contrées comme le Maroc et la Jordanie. Je joue dans les équipes de volley-ball et de tennis de la commune, ce qui remplit également mon emploi du temps pendant plusieurs années.
En octobre 2021, l’heure de la retraite sonne pour mon épouse et pour moi après 11 années de pilotage en solo, il me faut partager le poste de pilotage ! Qui sera le commandant de bord ?
Depuis novembre 2021, je suis bénévole à la Banque Alimentaire de Touraine et tous les vendredis matin, en camion, je collecte les denrées alimentaires et autres produits auprès des enseignes de la grande distribution.
Le 9 novembre 2022, nous accédons au statut de grands-parents heureux d’un petit Hugo qui occupe bien notre temps. Aujourd’hui le 1er septembre 2025, il aura fait sa première rentrée scolaire.
Me voilà arrivé au terme de ce parcours sexagénaire et je compte bien remplir la prochaine étape septuagénaire car des projets, j’en ai plein la tête même si parfois mon corps me rappelle à l’ordre. Je ne suis ni jardinier ni bricoleur mais plutôt voyageur et randonneur.
Je ne peux conclure sans penser à tous nos camarades qui nous ont quittés, certains très jeunes et ceux qui manquent à chaque rassemblement pour des raisons de santé.
Tout ce parcours ne vaut que grâce à ce concours réussi et qui a déterminé mon avenir. En sortant de l’école de Saintes, ce fut pour nous : « chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin » ! (Tonton David)
Honneur, Travail, Discipline, telle est la devise de l’École de Saintes ! Elle nous a tous un peu accompagnés cette devise au fil de ces décennies.
Je vous dis à bientôt pour notre prochain rassemblement.
Jean Claude Gasser Classe 8