Arpètes de la P69

P69 un jour, P69 toujours

Parcours de Pierre ALEXANDRE (Cl 3)

Saintes

Je me souviens de mon arrivée à Saintes avec mon père après un long voyage en train, de notre rencontre avec le Sergent-Chef Yves D dans sa belle tenue droite à l’entrée du T6. Je me revois marchant au pas en section en me demandant bien ce que je pouvais faire ici à quelques 600 kilomètres de mon midi où j’avais laissé ma famille, mes copains et une vie confortable.

Comme j’étais très moyen en classe et de surcroit asthmatique, mon père, inquiet pour mon avenir, et qui regrettait de ne pas être resté militaire après la guerre d’Algérie, m’avait fait  miroiter les avantages d’une carrière militaire. Très intéressé par la mécanique, j’avais cédé surtout pour l’aspect technique et aéronautique de cette orientation.

Je garde de Saintes le souvenir de la camaraderie de la classe 3, de nos jeux turbulents entre les chambres 16, 17 et 18, des premières sorties à Saintes.

Dans les études, je me maintiens à 12 de moyenne sans trop d’efforts et je suis donc ravi. Côté physique, c’est plus dur, je découvre le sport et certains moniteurs ne sont pas là pour me le faire aimer !

Rochefort

Et puis c’est Rochefort-Joinville, un vent de liberté souffle et je me passionne pour l’électronique. Je revois le réfectoire enfumé lors des révisions du soir avec « les bûcheurs », les parties de Hand-ball dans la cour, les bars louches sous les fenêtres de nos chambres…

Les spécialités « Calculateur » n’étant pas disponibles, (c’était soi-disant le top!) je rejoins la Grande Base pour suivre la formation d’IBE (Instruments de Bord Electroniques). Je perds le relatif confort de Joinville, découvre le mille-pattes et me mêle aux Nénés!

Toul-Rosières

Je ne souviens pas d’avoir entendu parler de la ville de Toul avant l’Amphi de Rochefort. C’est loin de chez moi et il y fait froid. Mais le bruit court qu’il y a un avion moderne, le Jaguar, et surtout qu’il y a quatre places pour notre promo d’IBE.

Et donc la P69, Lionel N, Jacky L, Thierry L et moi-même, nous débarquons en force, un dimanche de Février 1975, dans une petite ville grise et déserte pour rejoindre la Base de Toul-Rosières où nous attendent déjà quelques précurseurs de la P69…

Je suis affecté, dans un premier temps, au GERMAS F100 Super Sabre à réparer des TACAN, pas de Jaguar et rien à voir avec la spécialité IBE !

Puis, après quelques mois, je rejoins Thierry L au Service ELEC de l’Escadron 02/11 : toujours pas de Jaguars, une documentation en anglais et une nouvelle spécialité à découvrir avec entre autres les pleins d’oxygène des avions. Moi qui voulais devenir Calculateur, j’en suis bien loin! De toutes façons sur F100, il n’y a pas de calculateur, il y a même très peu d’instruments de bord électroniques!

La  vie de l’escadron est animée et rythmée par des déploiements, et des campagnes de tir annuelles à Cazaux.

Je me mets à fond à la course à pied sous l’influence bénéfique de Thierry L. Je fais bientôt partie de l’équipe de cross de la base et je participe à de nombreuses compétitions de cross-country et d’athlétisme militaires et civiles.

En 1976, l’escadron est transformé sur le Jaguar et dès 1977, je découvre l’Afrique et ses paysages avec les opérations extérieures : c’est mouvementé avec les voyages, l’effervescence des opérations et bientôt déjà la première médaille !

Mai 1980, je passe sergent-chef et à l’été, je rejoins la nouvelle base de Rochefort pour le stage BS 42.6X Electricien Avion et je retrouve, avec plaisir, à cette occasion Gérard M., mon voisin de la chambre 16 !

J’avais envisagé assez tôt de présenter le concours de l’Ecole Militaire de l’Air. Arpète sans le bac, j’ai dû passer l’examen probatoire en 1978. Puis pour me préparer au concours et en attendant d’avoir l’âge requis, 24 ans, j’ai passé, en cours du soir, les unités de valeur du premier des 3 cycles de formation d’ingénieur CNAM de Nancy.

Salon de Provence

Je réussis le concours de l’EMA début 1981 et en Août, je rejoins Thierry L qui m’a précédé à Salon de Provence pour ma formation d’officier Télé-Mécanicien. Deux années studieuses et sportives où je retrouve Michel M, Michel P ainsi que quelques arpètes des promotions voisines.

Istres

Je souhaitais une affectation sur avion mais mon classement et ma spécialité ne le favorisant pas, je me rabats sur l’Escadron de Défense Sol-Air d’Istres. C’est quand même un escadron au soleil !

A l’été 1983, je suis à la tête d’une petite équipe en charge de la maintenance et de la logistique des batteries de missiles Crotale. Les opérations outre-mer repartent de plus belles et je suis  en plus propulsé chef de la Section de  Soutien Logistiques des trois escadrons Crotale africains : une activité très prenante et formatrice car la Section est active H24 !  Bien sûr, j’ai aussi le plaisir de faire un peu de camping organisé dans le Nord du Tchad…    

Avord

En 1987, jeune capitaine, je rejoins le GERMAS Crotale à Avord comme chef de l’Equipe Technique et de l’ETIS. C’est certainement l’un des postes les plus technique et passionnant que j’ai eu à tenir à la tête d’une équipe d’experts et en contact permanent avec l’industriel et la DGA. Traitant de mécanique, de radars et de missiles, j’assiste à beaucoup de réunions parisiennes pour les améliorations et les évolutions du système ainsi que pour les expertises des matériels défaillants. Je participe aussi à toutes les campagnes de tir des dix escadrons où nous assurons la mise en œuvre des télémesures pour l’analyse des résultats avec l’industriel.

1990, c’est l’arrivée de l’AWACS, l’E3F, Système de Détection et de Commandement Aéroporté,  (SDCA), sur base d’Avord. Mon souhait de rejoindre une unité aérienne est exaucé. Mon expérience en équipe technique est mise à profit au sein de l’Equipe de Marque. Mon chef est aussi un arpète Hervé V. qui présidera l’association plus tard.  Je renoue avec l’anglais et je découvre un système sophistiqué et complexe ainsi que le monde du contrôle aérien, le tout dans une ambiance américaine avec l’assistance technique Boeing et internationale pour l’inter-opérabilité du système avec nos alliés.

Tinker AFB

EN 1993, j’accepte avec empressement le poste d’officier de liaison AWACS qui m’est proposé à Oklahoma City, USA sur la base aérienne de Tinker, une base immense de 20 000 personnes. Je suis au sein de l’Air Logistic Center qui assure la maintenance industrielle des gros avions de l’USAF B-1, B-2, C/KC135, E3… Je coordonne les échanges relatifs à la maintenance industrielle de nos E3F avec Air-France-Industrie qui en est responsable pour notre flotte.  Je suis le correspondant de l’Etat major pour les évolutions et les questions d’ordre opérationnel avec l’Escadre AWACS de Tinker. Je coordonne également les échanges techniques relatifs à la maintenance de nos avions ravitailleurs C135FR. C’est aussi pendant ce séjour que, en 1994, je passe de Captain à Major.  La découverte de l’Amérique et du Middle West, en particulier, est une expérience marquante et inoubliable tant sur le plan professionnel que sur le plan familial.

Villacoublay

1995, Il faut payer ce séjour « exotique » et c’est le retour en région parisienne tant redoutée. Je suis affecté à Villacoublay à la direction technique du Commandement Air des Systèmes de Surveillance, d’Information et de Communications (CASSIC)  comme chef de la section porteur E3F. Je suis en charge du soutien et de la disponibilité de la flotte AWACS ainsi que des études logistiques relatives aux évolutions du système. Je voyage encore un peu en organisant et en participant aux réunions d’échanges techniques entre les unités AWACS OTAN, RAF et AA. J’ai entre autre comme directeur, encore un arpète, le Général Jean-Louis C. que j’avais déjà eu comme professeur à Salon et qui a présidé aussi par la suite, notre grande association !

Balard

Devenu expert AWACS (au dire de mes chefs), en 1997, je suis « aspiré » par l’Etat major de l’armée de l’air. Après la banlieue, je me retrouve à Balard sur le boulevard périphérique. Je suis officier rédacteur et adjoint  à l’officier programme AWACS. Moi qui n’aime pas écrire, je fais des fiches détaillées à longueur de journée pour instruire les améliorations d’envergure de l’E3F en relation avec l’équipe de marque, le CASSIC, la DGA et les industriels.  Le travail est passionnant, les enjeux sont importants et il y a un peu de pression.

Heureusement, il y a le sport qui me permet de rester de bonne humeur… De plus, je fais, de temps en temps, quelques vols d’essais avec l’équipe de marque et encore quelques voyages dans le cadre d’un groupe de travail international, pour lequel je suis chef de la délégation française, sur la gestion de configuration du terminal de liaisons de données tactiques de l ‘AWACS. Je tente par deux fois, en vain, le concours CID (école de Guerre). Je suis promu lieutenant-colonel en 2000.

Je réalise alors que les places qui me sont offertes sur bases sont limitées et je pressens que mon séjour parisien va s’éterniser dans les états-majors. Je décide donc de quitter l’Armée de l’air, avant la cinquantaine, pour optimiser mes chances de reconversion. J’avise ma hiérarchie de mon projet et pour la seule fois de ma carrière, je demande la possibilité d’être affecté dans le quart Sud-Est : bassin familial et bassin d’emploi potentiel.

Istres (bis)

Après un peu d’attente, en 2002, je renoue avec la base aérienne 125 d’Istres pour occuper le poste d’adjoint au chef du Soutien technique. C’est un travail plus administratif : je m’occupe du suivi du budget de fonctionnement, de la gestion des personnels mécaniciens, des matériels communs et de la logistique technique de la base. Istres étant tête de pont des opérations extérieures, il faut aussi gérer les départs et les retour des matériels qui y transitent. Je  me vois aussi confier, en relation avec toutes les unités, la mise en place du contrôle de gestion pour le commandant de la base.

Eurocopter/Airbus Helicopters

Dès mon arrivée à Istres, je commence à prospecter chez Dassault, Eurocopter et leurs nombreux sous-traitants. Après une multitude de CV et quelques entretiens, j’intègre le training Eurocopter en octobre 2004 comme instructeur avionique. Je découvre une équipe composée d’anciens militaires, majoritairement sous-officiers, qui auraient bien jeté mon CV à la poubelle sans l’intervention divine de Jean-Louis B qui officie déjà dans la place, encore merci Papi !

L’ambiance est excellente mais la marche est haute. Cela me demande un investissement important, un retour aux sources en quelque sorte. Je me mets à fond dans les détails des techniques de l’hélicoptère. Le travail est plaisant, j’assure la formation théorique et pratique des techniciens des clients de la gamme Super Puma. Je développe aussi des modules et des programmes de cours. Mes stagiaires viennent de tous les horizons et bien sûr il y a quelques voyages lointains à la clef…

Je me vois rapidement confier la responsabilité du processus des examens pour les qualifications de type réglementaires. Je forme les nouveaux instructeurs au rôle d’examinateurs et conduit l’informatisation des examens avec le service informatique pour répondre au mieux aux exigences des différentes autorités des aviations civiles.

Je coordonne également le Système de Gestion de la Sécurité (SMS in english) de la maintenance pour les formations des techniciens.

La quille

2018, j’avance en âge, et après 14 années passionnantes passées chez Eurocopter/Airbus, je décide d’arrêter de travailler en fin d’année !  Enfin j’ai plus de temps à consacrer à la famille, aux loisirs, au sport et à la maison – et là, c’est quand même un peu de travail !

Je reste cependant, dans le monde aéronautique car depuis quelques années j’ai réduit la course à pied qui m’use le dos, au profit du parapente, un sport de fainéant, mais qui donne une certaine hauteur de vue !

Au bilan, une carrière remarquable certes – et certainement car c’est la mienne ! – mais je n’ai cependant pas le sentiment d’avoir fait des choses extraordinaires, juste d’avoir collé à des filières possibles de l’Armée de l’air, poussé par ma curiosité et mon envie de réussir, en relevant une succession de défis. Une carrière riche de part les différentes métiers que j’ai exercés et les nombreuses rencontres qu’elle a favorisées : camarades, chefs, subordonnés dont j’ai appris et dont les exemples m’ont façonné. Le sport aussi a joué et joue toujours un rôle important dans mon parcours, pour son effet bénéfique en matière de santé, d’équilibre, de concentration et de motivation. Mon passage vers le monde « civil » ne fut en fait qu’un saut vers un inconnu qui s’est avéré familier.

Et tout cela, certainement grâce à une très bonne école de la vie, mon passage à Saintes où j’ai appris très tôt à être autonome et à me débrouiller au mieux dans une organisation hiérarchisée.

Pierre ALEXANDRE – Juin 2019