Arpètes de la P69

P69 un jour, P69 toujours

Devoir de mémoire au mont Garbi

3 février 1982 – 3 février 2022

Le 3 février 1982, le Nord Atlas n° 140 décolle de la base aérienne de Djibouti pour effectuer une mission d’entrainement avec à son bord une section de parachutistes de la Légion étrangère.

Malheureusement, les conditions météo sont mauvaises et le parachutage n’aura jamais lieu. L’avion percute le sommet du mont Garbi, une montagne située à environ 100 km à l’ouest de la capitale Djibouti. Le mont Garbi, culmine à 1 680 m, il est le troisième point le plus haut du territoire.

Il n’y aura aucun survivant parmi les 36 personnes à bord.

Le traumatisme est indescriptible pour les familles, les proches et les camarades des victimes.

L’ETOM 00/088 (aujourd’hui rebaptisé ET88 Larzac) est touché avec le décès de quatre de ses navigants dont le commandant d’escadron. Le sergent Alain Hamon, mécanicien avion et arpète de la P72, a effectué le départ du Nord-Atlas 140. Il sera la dernière personne à avoir vu vivants les membres d’équipage et les légionnaires. Pour lui le choc est immense, il ne pourra jamais oublier.

Le temps passe mais pour Alain, la cicatrice n’est pas refermée. Il doit faire son deuil. Alors pour les quarante ans de l’anniversaire de la tragédie, une idée germe dans son esprit, retourner à Djibouti le 3 février 2022 et déposer une gerbe de fleurs sur les lieux du drame où une stèle commémorative a été érigée par la 13ème DBLE et les commandos marine.

Alain contacte le ministère de la Défense pour monter son projet, mais les démarches s’avèrent difficiles et surtout le temps presse, il pense alors au réseau Arpète. Le président de la section des arpètes de Djibouti, Pierre-Antoine Baudoin P133 répond immédiatement à son appel.

En parallèle, Alain informe quelques anciens de l’ETOM 00/088 avec qui il était resté en contact depuis 40 ans. C’est décidé, si le projet se réalise, nous serons trois anciens à rejoindre Alain pour le voyage du souvenir : Rémi Meunier, radio-bord et arpète de la P73, Joseph Montaut chef de piste Nord-Atlas et nénesse, et moi-même radio-bord et arpète de la P69.

Tout s’accélère, Pierre-Antoine, actuellement mécanicien avionique à l’ET88 Larzac, prend le relais. Il sensibilise et obtient l’aval du commandement de son escadron et de la BA 188. Il s’occupe de toute la logistique, entre autres : logement, procédure covid, gère les laissez-passer pour nous quatre, etc.

En bref, il nous donne de nombreux et précieux conseils pour que notre séjour se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Il se propose de nous guider et d’assurer notre transport pendant les quelques jours de notre présence.

Notre moral remonte aussitôt, tout semble possible maintenant !

Entre temps, Alain ne chaume pas non plus, contacte l’ambassade de Djibouti en France, nous informe des procédures de visa et par le biais d’un autre réseau, celui du rugby (Alain est président de club), obtient des billets d’avion à un prix défiant toute concurrence. Une petite frayeur, il doit refaire son passeport en urgence n’ayant pas, pour quelques jours seulement, les six mois de validité requis après la date prévue du retour en France.

Alain effectue des recherches sur internet et entre en relation avec Ali Liaquat, un ancien légionnaire. Ali assure annuellement l’organisation de l’ascension du Mont Garbi afin de permettre à ceux qui le désirent de se recueillir et de rendre hommage aux disparus autour de la stèle érigée au sommet. Plus récemment, pour des raisons de sécurité, ce seront plutôt des veillées bivouac au pied du même mont.

Il s’ensuit alors un échange triparti entre Alain, Pierre-Antoine et Ali.

Grâce à leurs efforts mutuels, tout s’enchaîne positivement, le rêve d’Alain se matérialise, les obstacles tombent les uns après les autres et sauf aléa de dernière minute (test PCR covid positif par exemple) nous irons à Djibouti. Il est maintenant envisagé une possible célébration officielle sur le site même de l’accident comme l’espérait Alain.

Le 30 janvier à 6H00 du matin, départ en voiture depuis Toulouse, direction Paris. Nous sommes trois à bord, Joseph, Alain et moi. Rémi nous rejoindra directement à Roissy.

A 18H40 le même jour nous décollons de CDG ! Arrivée à Djibouti via Istanbul le lendemain à 6H50.

Pierre-Antoine nous accueille (le mot est faible). Durant les 6 jours de notre séjour, il ne nous lâchera plus, merci encore à sa charmante épouse et ses deux magnifiques filles de nous l’avoir prêté ces quelques jours. Il fait honneur à la grande famille des Arpètes et de l’Armée de l’Air.

Il a tout prévu, visite de la BA 188 et de l’ET88 Larzac où du sergent au commandant tout le monde nous reçoit avec grande amitié et respect.

Pierre-Antoine nous propose un tour de ville, le moindre de nos souhaits est exaucé. Nous sommes un peu abasourdis, Djibouti a bien changé en 40 ans, de nombreuses constructions ont vu le jour, supermarchés bien achalandés, pléthore de fruits et légumes sur les marchés. La route vers l’Ethiopie a tout modifié ici. Nous avons du mal à reconnaitre nos anciens logements de Bonhoure par exemple, mais l’accueil des Djiboutiens, lui, est resté égal et va même au-delà de nos espérances, les Français sont les bienvenus ici. Ces trois premiers jours sont intenses et passent très (trop) vite. Nous sommes heureux et profitons pleinement, conscients de la chance exceptionnelle de nous retrouver là avec Pierre-Antoine comme G.O. d’exception.

Ali organise, la veille de la commémoration officielle, une soirée de recueillement à Arta pour ses frères légionnaires, nous sommes invités. Autour d’un repas et surtout d’un discours très émouvant d’Ali, nous commençons notre devoir du souvenir.

A cette occasion, il inaugure une nouvelle stèle commémorative qu’il a fait ériger sur le site très fréquenté d’Arta et plus facilement accessible par la route par rapport au mont Garbi qui lui nécessite une véritable expédition.

Le lendemain, enfin le grand jour…

Pour cet événement, les grands moyens ont été déployés, nous sommes héliportés par une noria de Puma de l’ALAT et de L’ET88 Larzac vers le sommet du mont Garbi.

Sous l’autorité du général commandant des Forces françaises stationnées à Djibouti (COMFOR FFDJ), le colonel commandant de la BA 188 préside la cérémonie placée sous le signe du souvenir et du recueillement.

Les autorités Djiboutiennes sont également représentées. L’hommage aux disparus est rendu par une section de légionnaires venus de Calvi. L’instant est intense. Un grand moment d’émotion et une journée qui restera à jamais gravée dans nos mémoires.

Alain peut enfin déposer sur la stèle le bouquet de fleurs qui symbolise sa démarche.

Nous rentrons heureux et émus sur Djibouti, et profitons de l’hélicoptère pour admirer ce magnifique pays vu du ciel.

Il nous reste une journée pleine avant le départ et bien sur l’infatigable Pierre-Antoine nous propose une visite étendue au lac Assal, Goubet, grande faille. Magnifique !

Pour finir, l’après-midi, ce sera une nouvelle invitation d’Ali pour un repas et une initiation au char à voile inoubliable dans le centre qu’il a créé au grand Bara, ancien lac asséché en plein désert.

Seule ombre au tableau, un accrochage entre un camion et notre 4/4 lors du trajet retour, heureusement ce ne seront que des dégâts matériels.

Les tests PCR sont négatifs, nous pouvons rentrer en France après un dernier repas au bord de la mer rouge avec Pierre-Antoine et sa petite famille. Nous sommes vraiment comblés et conscients d’avoir vécu quelque chose d’unique.

Au nom de mes trois camarades, je voudrais remercier l’ET88 Larzac, la BA 188, le COMFOR FFDJ, l’ALAT et la Légion Etrangère pour leur accueil extraordinaire et leur soutien total pour la réalisation de ce projet.

Bien sûr rien n’aurait été possible sans la volonté sans faille et le dévouement d’Alain Hamon, de Pierre-Antoine Baudoin et d’Ali Liaquat pour qui dévotion, solidarité et fraternité ne sont pas de vains mots.

Tous les trois sont vraiment des personnes hors du commun, ils ne se connaissaient pas et par respect du devoir de mémoire, ils ont réussi à monter cette opération du souvenir.

Un exemple pour nous tous. Un grand MERCI à eux.

Jean-Marie VERDIER – P69

Victimes : 2e REP

  • Capitaine PHILIPPONNAT Eric – officier adjoint à la 4e compagnie
  • Sergent-chef STORAI Georges – chef de la 2e Section
  • Sergent DORE Patrick – chef de groupe
  • Sergent POMMIES Dominique – chef de groupe
  • Sergent WOUTIER André – chef de groupe
  • Caporal BURGRAFF Adolph 
  • Caporal OEHLMANN Gustaf 
  • Caporal OLETTA Albin 
  • Caporal PELTON Eddy 
  • Caporal SIMONNET François 
  • 1ère classe BEAUTEMPS Marc 
  • 1ère classe BETON Norbert
  • 1ère classe KERTY Gilbert
  • 1ère classe ZASSER Raymond
  • Légionnaire BUZUT Muslum
  • Légionnaire DEPIERRE Paul
  • Légionnaire DEVAUX Robert
  • Légionnaire FALAUT Marc 
  • Légionnaire GALVES Francisco 
  • Légionnaire GORDON Louis 
  • Légionnaire GUNES Yasar 
  • Légionnaire LEON Lawrence 
  • Légionnaire LIMA Dasilva 
  • Légionnaire LUANG Eric 
  • Légionnaire SENDERS Jean 
  • Légionnaire THIU-SAM Jérôme 
  • Légionnaire VILMAR Maurice 

Victimes : 13e DBLE

  • Capitaine CHANSON Jacques
  • Caporal LAURIOL Guy 

Victimes : EM FFDj

  • Capitaine DROULLE Robert

Victimes : Commando Jaubert

  • Maître GLOANEC Jacky moniteur-largeur

Victimes : Armée de l’Air

  • Commandant DALMASSO Henri – pilote & commandant de l’avion
  • Capitaine COUILLAULT Jean – co-pilote
  • Capitaine TADDEI Fabien – navigateur
  • Adjudant-chef DAENINCKX Gérard – mécanicien
  • Capitaine DEMANGE Jean – observateur